dimanche 16 mars 2014


La visite de Mme C.

Aujourd'hui encore ce fut une journée pourrie, ce ne fut même pas une journée à proprement parler... Je me suis réveillée super tard, même plus que super tard: sérieux 19h c'est carrément risible! En plus c'est pas comme si j'en avais besoin, je suis sensée nettoyer mon repaire de crackhead,  car Mme C. de l'agence immobilière vient pour "estimer le bien" de ma proprio et putain je déteste avoir quelqu'un chez moi, je déteste ça encore plus parce que je n'arrive pas à rendre propre ces putains de 28m2 et que je ne sais pas POURQUOI c'est aussi dur, ni pourquoi c'est aussi important pour moi. Après tout il y a bien des souillons de part le monde, des gens malades et handicapés comme moi ou même des gens parfaitement sains d'esprit pour qui la propreté de leur appart n'est pas quelque-chose d'essentiel. Et ces gens s'en sortent très bien. Se foutent de ne pas être élus "ménagère de l'année", ne se foutent pas la rate au court-bouillon parce qu'une une employée de l'agence immobilière locale remarquera le poil de cul dans la baignoire. J'envie ces gens, oui je vous envie tous autant que vous êtes, parce que vous vous inquiétez seulement de choses objectivement inquiétantes et que vous vous carrez au cul, sans même vous en rendre compte, tous les jugements potentiels de personnes qui ne traversent votre vie que genre, 5 minutes. Soyez bénis.
Parce que moi, j'ai l'impression que le jugement n'est pas potentiel mais bien réel et qu'il va sortir de la bouche de l'inconnue tel un flot divin et s'abattre sur moi sous la forme de remarques perfides, sifflantes, auxquelles je ne pourrais pas répondre, desquelles je ne pourrais pas me défendre. Parce que j'ai un putain d'esprit d'escalier. Eh non, la répartie c'est pas mon fort. Et ça me fout la trouille, et je ne peux pas m'empêcher d'appréhender ce moment, ces 5 petites minutes d'inspection comme une folle. C'est marrant d'utiliser cette expression, "comme une folle". C'est exactement, précisément ce que je suis et serai toujours, putain de merde.
Quoi qu'il en soit, même si Mme C. est particulièrement bien élevée et ne me vomit pas mon incompétence ménagère au visage, il y aura ce fameux reproche silencieux que je sentirai de toute façon. Et ce, même si la femme qui va inspecter mon appartement durant 5 minutes donc, ne pensera à rien d'autre qu'à son prochain rendez-vous pro ou au dîner qu'elle va préparer le soir même pour son mari et son fils: "un velouté aux poireaux ça serait super mais est-ce que Léo aime les poireaux? Au pire je lui prendrai des nuggets"
Elle va peut-être se dire "c'est un peu sale ici, un  peu poussiéreux, les joints de la douche ne sont pas nickels et il y a quelques cartons qui traînent" et puis elle va penser à son velouté aux poireaux et à sa collègue Jeanne qui décidément est une sale truie, on peut pas lui faire confiance, elle est jalouse et mal baisée cette femme.
Et moi, esprit malade, je vais enregistrer toutes les ombres qui passeront dans ses jolis yeux bleus (oui dans mon esprit elle a des yeux bleus et de longs cheveux auburn et elle a 35 ans au plus et c'est un putain de canon). Donc quand toutes ses pensées à elle ombreront ses jolis yeux je ramènerai tout à moi et je me sentirai honteuse et nulle et mise à nu parce que mon appartement ne ressemble pas à une photo de Design Sponge ou de Elle Décoration. Et sa désapprobation silencieuse, réelle ou inventée, me coupera de mille entailles aussi invisibles que douloureuses. Et il n'y a rien que je puisse faire pour empêcher ça.

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