samedi 22 mars 2014


Bipolarité vs. Schizophrénie

L’autre soir, j’ai vu deux documentaires sur France 5. L’un sur les bipolaires, l’autre sur les schizophrènes. J’ai pleuré tout le long du premier en ayant l’impression de m’entendre, de me voir, en me rendant compte que je pouvais faire miens les mots de chacun des cinq intervenants. Sur l’angoisse, la lucidité face à la maladie qui nous frappe, les descriptions si justes. Le lit comme refuge et tombeau, l’impossibilité physique de faire le ménage, d’ouvrir le courrier ou de se regarder dans la glace.  La tentation, au plus fort de la mélancolie, de faire sous soi parce qu’on a pas la force d’aller se  soulager. Combien de fois je me suis retenue d’aller aux toilettes parce que je n’avais même pas la force de tenir sur mes deux pieds. 
Les pensées suicidaires aussi, les scenari qui nous hantent, l’envie de mourir aussi présente que celle de manger sans s’arrêter. L’auto-agression, qui va des petites coupures faites aux ciseaux sur son poignet le soir juste avant de partir à Londres,  à l’engloutissement de pilules « organisé » ou l’on frôle le point de non-retour. La tentative de suicide en 2011 appelée tentative seulement parce qu’elle a raté, et pas parce qu’elle se voulait tentative. Et depuis, le sentiment, que dis-je la certitude qu’être suicidaire est un état qui va avec une maladie. Je sais que je serai toujours suicidaire, là je suis juste « sobre ». Le suicidaire est comme un alcoolique qui ne boit pas. Je sais que si je n’étais pas sous médicaments cette pulsion reprendrait vite le dessus. 
La haine de soi est mon quotidien, a l’instar de cette dame qui dit ne pas supporter son physique à cause du surpoids dû aux médicaments et à l’hyperphagie qu’ils entraînent. « Je n’allume même pas la lumière quand je vais me laver les mains » dit-elle. Par dégoût de voir son reflet dans la glace. Comme je le connais ce putain de dégout, ce goût de moisissure dans la bouche, ce désespoir de ne pas arriver à se penser comme « entière », au point d’avoir peur de se couper les ongles. Ne même pas avoir la force de laver ce corps que l’on trouve sale parce que gros, parce que marbré de vergetures parce que disproportionné, parce qu’abritant un esprit malade. Je connais tout ça, et je peux l’exprimer, je peux me souvenir de l’état second au plus fort de la mélancolie. Et si j’étais bipolaire ? Et si mes phases maniaques étaient moins marquées que chez d’autres ? Et si elles s’exprimaient par un retour à la normale, à la capacité de pouvoir faire des choses plus que par une rupture bien définie ? Serait-ce possible ?

Car je n’ai rien ressenti en regardant le reportage sur les schizophrènes.  Même devant ce jeune homme qui vivait tout seul, n’étant touché que « légèrement » par la maladie bien qu’handicapé par celle-ci. Je n’ai pas versé une seule larme pour celui qu’on avait sous-titré tellement ses phrases étaient incompréhensibles, qui pouvait rester des heures sans bouger ni parler puis soudainement se lever pour sortir… Il semblait ailleurs, il ne verbalisait rien sur son affliction. La caméra filmait son œil vide, indifférent au monde, qui ne s’allumait que quand il parlait de ses phasmes, ces insectes qui ressemblent à des brindilles ou des feuilles. Quand le journaliste l’a interrogé sur cet amour inconditionnel, il a répondu qu’il aimait « le mimétisme ». J’ai cru qu’il parlait du mimétisme entre la bête et lui-même alors qu’il parlait du mimétisme entre la bête et la plante. Ce garçon ne faisait pas de second degré. Il en semblait incapable.

Or chez-moi, c’est tout l’inverse : je me bats sans arrêt pour ma santé mentale, pour mon second degré, pour ma lucidité. Je veux tout comprendre, je verbalise tout et j’essaie de tout expliquer. Mon esprit et mon corps ne sont pas dans cette errance qui semble caractériser les schizophrènes. Mon esprit et mon corps ne trouvent pas le repos, c’est différent. Et cela ressemble bien plus, à mon sens, au tourment des bipolaires.

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